Raging Cat

Agacement grandissant face à mon assignation de genre

Je m’appelle Cyril. Je suis un jeune FtM d’une trentaine d’années, en tout début de parcours, et je suis déjà énervé. Davantage parce que je suis en train de changer mentalement que parce que soudain le monde se montre hostile. Honnêtement, je ne pense pas être particulièrement confronté à de l’hostilité depuis mon coming out. Le problème est ailleurs. J’éprouve en fait un agacement grandissant face à mon assignation de genre.

Même si rien n’a physiquement changé chez moi (pas d’hormones, encore moins d’opérations), même si, faute de psy, mon “parcours” tarde à débuter. Et cet agacement est tout neuf pour moi. Jeune, il ne me serait pas venu à l’idée de m’insurger contre cette erreur de perception sur mon identité - physiquement, obsiously, je suis – et j’étais – une fille.
J’ai passé des années à parler de moi au féminin, et même, souvent, à corriger les gens dans ce sens (sur le net, je précise, personne ne se “trompe” – ou si peu – IRL), par peur d’être “découvert” si je ne corrigeais pas mon interlocuteur.
Pourtant, maintenant, le moindre “mademoiselle”, le moindre pronom féminin, m’agressent. Je ne supporte plus mon prénom de naissance. A chaque fois que je le vois écrit sur un courrier, des papiers, qu’on m’appelle comme ça, je bouillonne.

Unfair selon mes propres critères. Comment exiger des autres qu’ils me traitent comme un homme alors que j’en suis encore si peu un ? Qu’il s’adressent à moi au masculin ? Et pourtant…
Je ne pensais pas qu’avoir admis ma transidentité me ferait si violemlent, et si vite, rejeter cette partie de moi avec laquelle j’ai si longtemps cohabité.

Paradoxalement, je suis plus à l’aise qu’auparavant à l’idée d’avoir un vagin.
Le plus important semble bien n’être pas pour moi l’imitation physique la plus parfaite possible d’un corps d’homme bio (même si les signes les plus évidents de ma “féminité” m’insupportent aussi profondément – je n’ai pas la chance d’avoir un corps androgyne et je n’aime pas mon corps tel qu’il est). Ce qui me pose vraiment problème c’est mon image sociale. Si tout le monde m’identifiait sans hésitation comme homme, je ne sais même pas si j’éprouverai un si fort besoin de transition. Je dis bien besoin. Le désir, par contre… je ne pense pas qu’il puisse faiblir. Cette transition si, en plus de la désirer, j’en ai besoin, c’est pour être reconnu pour ce que je suis, pas pour l’être – ou le devenir.
Je suis DEJA un homme. Je pensais qu’il me faudrait une transition pour ça. Je le suis devenu simplement en l’acceptant, pour ainsi dire.

Ma perception de moi-même était en décalage avec la réalité “physique” ; peu à peu c’est ma réalité qui entre en décalage avec une expression physique défaillante parce que trop visiblement féminine.
En d’autres termes, plus le temps passe plus je me sens normal et légitime et plus je perçois le hiatus entre mon genre et le genre dans lequel les gens persistent à m’assigner comme une agression.

À charge pour moi de transformer cette colère en l’entêtement nécessaire à devenir ce que je suis – ce qui n’est pas une mince affaire.

Cyril

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