Un mal pour un bien, des réflexions pèles-mêles sur ma propre transition

Cette réflexion est le fruit de ma propre expérience et de l’analyse que j’ai pu extraire de mes différents dialogues avec d’autres personnes….celle ci n’engage que moi et d’aucune manière une autre personne ou association. Si quelqu’un n’est pas d’accord avec le moindre de mes propos, ce sera très volontiers que je débattrai afin d’affiner mon point de vue.


Certaines personnes tiennent souvent un discours admiratif envers les transsexuels. Celui-ci tourne toujours autour de l’admiration devant l’apparente complexité du parcours de transition.
Pourtant, d’un point de vue strictement matériel, il ne paraît pas si complexe. En effet, celui-ci pourrait se résumer en 3 mots ; hormonothérapie, opération et état civil.

Mais loin de cette réalité administrative, le parcours que nous réalisons est souvent bien plus spirituel que cartésien.

Tout d’abord, il existe 2 cas de figure : ceux que les psychiatres aiment à qualifier de primaires ou de secondaires. La réalité est qu’il existe des Trans pour qui aucune question ne se pose et dans ce cas le discours semble clair : « je suis né(e) dans le mauvais corps », et d’autres qui ressentent juste un gros malaise à jouer le rôle que leur a assigné la société en regard avec leur anatomie. Parmi ceux-là, peu revendiquent clairement leurs questions, leurs interrogations, leurs doutes surtout. Probablement la peur de l’incompréhension des autres quand à tenir ce discours non pré formaté.

Malheureusement, le manque de sincérité compréhensible de ces personnes amène la « communauté » Trans à passer à côté de ces questions finalement existentialistes. Finalement la quête du « vrai » soi ne devrait-elle pas être le but recherché par toute personne en questionnement de genre ? Or on constate à regrets que trop peu d’entre nous affichent clairement être en recherche perpétuelle de soi.

La recherche du soi


Beaucoup d’entre nous ressentent ainsi une vraie scission de vie avant et après le coming-out. Comme si les questions passées ne seraient plus les questions futures. Même si celles-ci ne sont plus les mêmes, il n’en reste pas moins que finalement elles ne sont pas si différentes.

Le questionnement

Combien de nuits blanches accumulées dans nos petites têtes à se demander tant et tant de choses.

Tout d’abord à refouler chez certains, cette partie de nous.
Le rationalisme dont nous faisons preuve nous bride souvent pendant de longues années. Notre cerveau a beau avoir envie d’y croire, nous ne pouvons nous résoudre à aller contre les apparences. Pendant cette période, certains font preuve d’un rejet total de leur vraie personnalité. Il n’est pas rare de croiser des MTF aux métiers très connotés masculins, aux apparences viriles, avec des vies d’avant transition ne laissant rien présager de leurs doutes. J’ai l’impression d’avoir moins croisé ce refoulement chez les FTM. Je ne doute cependant pas que les pressions des familles ou des communautés poussent malgré tout certains FTM à caricaturer et à performer les filles pendant de nombreuses années.
Le poids de ce refoulement est énorme, en particulier sur la psyché, qui bien souvent est l’amorce d’une véritable double vie menée tambour battant. Dans des cas extrêmes, cette scission entre les 2 personnages joués par le trans dans cette période peut prendre une forme de schizophrénie, le dédoublement arrivant à son paroxysme.

Mais le questionnement ne s’arrête pas là, pas au simple fait du questionnement identitaire.
Parmi d’autres, il en est une que je me suis posée très souvent : Dans quelle mesure suis-je prête à endosser un rôle social féminin ?

Longtemps, j’ai cru que ce besoin de vivre une féminité, et non plus de l’admirer chez les autres, pouvait se contenter d’une vie épisodique, ainsi, j’ai longtemps performé les filles, reprenant mon rôle bien masculin dès lors que les contraintes liées a une vie de femme se faisaient ressentir.
A l’époque, le beurre et l’argent du beurre me semblait envisageable, illusion adolescente probablement, et nombre de trans il me semble se contentent de ce stade finalement.
Sans jugement aucun quand à la réalité du « diagnostic » transsexuel chez ces personnes, j’ai remarqué que beaucoup d’entre nous, et moi la première, avaient du mal à renoncer à ces privilèges que nous accorde notre société patriarcale.

Là est aussi un questionnement énorme avant d’entamer une transition. « Suis-je capable d’assumer, outre le fait d’être perçue comme une femme, les contraintes liées à ce que la société attend d’une femme. »
Ce questionnement est là encore de taille, il implique non seulement de renier une partie de notre éducation faite dans le mauvais genre social, mais aussi de s’imposer perpétuellement le carcan que la société réserve au genre qu’elle décrit même comme faible (pour les MTF).
Et puis bon, certains y arrivent, d’autres ne veulent pas faire cette concession là.
Je me pose souvent cette question justement, moi qui ai maintenant bien amorcé ma transition : ai-je un comportement social qui, sans être celui d’une femme soumise au poids de la société, est quand même celui qu’elle attend de moi ?
Difficile d’entrevoir les réponses…

Pourtant je n’ai pas un comportement stéréotypé, j’ai un métier connoté masculin, des goûts pas toujours féminins, j’ai autant joué à la poupée qu’aux petites voitures…j’aime faire la cuisine, les boutiques…mais bon, quoi à la fin….après tout, j’ai le droit d’être féministe aussi et refuser justement l’infériorisation sociale que la société fait peser aux femmes.

Avant de démarrer ma transition, je me demandais aussi ce que la société finalement verrait en moi…
Ce que je souhaitais, et que je souhaite toujours d’ailleurs, c’était m’éloigner le plus possible de ces vieilles images d’Epinal que sont les historiques trans du bois de Boulogne. Je ne connais d’ailleurs aucune personne en transition, ou même en questionnement qui ne souffre pas des raccourcis rapides qu’emprunte la société pour se faire une idée de la transsexualité. Cette peur de l’amalgame est elle aussi un frein au développement personnel des personnes trans. En effet, aussi mal dans leurs peaux soient elles, rares sont celles qui n’aspirent pas à une tranquillité et un anonymat de vie future.

Une autre impression qui a régné en moi fut de me dire c’est « quitte ou double ». C’est-à-dire que, comme bon nombre de Trans avec qui j’ai discuté, j’ai eu un stade ou l’idée générale était « soit je sais que je serai une fille crédible, avec la vie tranquille de femme qui va avec…..soit je ne fais rien et je n’entame pas de transition ». Mais en fait ce sentiment là n’est à mon sens qu’une manière louable de se trouver l’excuse de ne pas pousser plus loin son raisonnement....et ceux et celles qui vont finalement de l’avant sont ceux et celles qui comprennent que l’on ne peut rien prédire avant d’y être….

La recherche identitaire.

La transsexualité, c’est donc finalement mettre son corps en adéquation avec son âme…

Un point commun chez beaucoup de MTF est le passage, en pleine crise identitaire, par une période plus ou moins longue de travestissement. Toutes ne passent pas par là, et d’autres y trouvent leur compte pendant de longues années….
Pour ma part, cette période a durée quelques années, durant lesquelles bien sûr je me leurrais sur ma propre vie…..
Un leurre, oui, mais aussi une période de réflexion intense, pendant laquelle on attend le moment où l’on sera sûre. Sûre de son choix de démarrer ou non une transition, sûre de finalement trouver le bonheur dans une vie à l’opposé de la première. Et puis finalement on ne trouve pas, on cherche ailleurs.
On peut aussi rechercher son identité au travers de son identité sexuelle….ce qui est souvent une demi erreur à mon sens, mais ce qui est aussi une étape souvent indispensable…

Pourquoi une demi erreur : je pense en premier lieu qu’il est bon d’explorer toutes les pistes lorsqu’on recherche quelque chose…et raison de plus lorsque l’on se cherche soi même….
Mais finalement cette recherche à travers la sexualité ne se fait qu’avec des relations ou le rapport que l’on entretient avec son corps est, de par le fait, totalement faussé.

J’ai en mémoire l’histoire d’une personne, née homme, n’ayant jamais connue de relation sexuelle, qui transitionne vers fille…une fille qui par contre elle découvre le sexe…et finit par découvrir qu’il lui manque désormais quelque chose de primordial pour être épanouie….finalement cela m’a amené 2 réflexions…

Premièrement, il faut à mon sens se chercher au travers de la sexualité, mais bien prendre garde de ne pas mélanger sexualité et genre…
Deuxièmement, l’opération génitale souvent vécue illusoirement comme l’aboutissement ultime par la plupart des trans…
Enfin vécue, racontée en tout cas. Rien ne prouve que le discours devant média soit le même que derrière…mais bon. J’ai déjà eu plusieurs sons de cloches de personnes remettant en cause les bienfaits qu’apporterait une telle opération. Bien sûr, j’ai moi-même réfléchi aux tenants et aux aboutissants d’une telle démarche.

A mon avis, beaucoup de trans qui se font opérer en espérant gagner une légitimité aux yeux du monde se trompent. Cette position peut sembler radicale, mais en y réfléchissant, pourquoi se faire opérer.
Une opération génitale implique :
Beaucoup de frais, de tracas, de convalescences, de résultats pas toujours esthétiques et quasi à coup sûr moins fonctionnels que l’organe de base qui lui est bien souvent sain…et avec lequel l’on est pour la plupart sûr(e) de prendre du plaisir…

Finalement, outre le fait de ne plus à avoir à dire à ses partenaires le passé trans qui est le nôtre, cela n’apporte pas grand-chose….
Alors oui, j’entends ça et là que la vie s’en trouve changée, que l’on peut éprouver du plaisir, que l’on est une femme accomplie que si l’on passe par là…
Mais cela me choque : qui va venir voir dans ma culotte, outre ma/mon partenaire, qui pour des raisons de sincérité est au courant, personne…
Maintenant, que quelqu’un vienne me parler du bonheur de mettre un bikini ou bien de pouvoir prendre une douche avec les copains du foot, pourquoi pas…
Que quelqu’un vienne me dire qu’il s’automutile et continuera tant que l’opération n’aura pas lieu, pourquoi pas non plus….
Que des raisons propres à chaque personne, qui sont indiscutables et fondées sur un besoin réel et psychique de voir son corps à son image, je le comprends d’autant plus.

Mais par pitié, cessons là le discours qu’attendent de nous les psys, cessons le « une femme ça DOIT avoir un vagin »
Ben non, une femme qui veut un pénis ça doit aussi exister, et une femme qui l’assume d’autant plus…..

Une double vie

J’en reviens à cette période, transitoire bien souvent où l’on se travesti, où l’on performe le genre. Personnellement je l’ai plutôt mal vécue. J’avais vraiment l’impression non seulement de tricher avec moi-même, mais en plus d’être à l’opposée de ce qu’il faudrait…Je jouais, 2% de mon temps à être une femme, très caricaturale finalement, sûrement pour compenser le peu de temps passer à me faire appeler madame. Cette vie double, et finalement à demi vécue m’a vraiment laissée un sentiment amer. Jamais je n’ai voulu caricaturer les femmes, jamais je n’ai voulu ne prendre que le meilleur et laisser le reste. Jamais je n’ai voulu profiter que du côté glamour de la féminité et laisser le reste aux autres…du moins pas volontairement.
Et là patatras, je prends des décisions, je fais ma vie, hop hop hormones, hop hop coming out…..et me voila obligée de me travestir en mec au boulot….où là je n’ai que le pire du côté de la vie d’un mec…les responsabilités, l’autorité et tout ce qui est bien loin de la vie de femme que je me construis…

En même temps, les femmes ont dans la société de plus en plus de responsabilités justement. Le problème n’est pas là, il est dans le fait que j’ai choisi d’avancer pour ne plus avoir qu’une vie, et que me voila à nouveau avec 2.

Alors voilà, une vie pour l’instant rythmée autour du côté déprimant d’être encore aux yeux de beaucoup un garçon, et autour du côté palpitant mais épuisant de DEVENIR une fille….

Les dépressions

J’ai l’impression de ne pas être seule à aller mal, à avoir eu des envies suicidaires, à penser que rien ne va plus, à ne voir que la moitié vide des verres.
Avant de démarrer ma transition, la vie était difficile, mais simple quelque part…rien n’allait mais je savais pourquoi.
C’était simple, je n’avais finalement qu’à écrire des poèmes bien tristes, à déprimer seule dans mon coin, les gens me laissaient seule.
Démarrer ma transition était pourtant non seulement inévitable, mais aussi mon seul salut…et pourtant, ce stade où finalement je me retrouve à performer et à caricaturer un homme la moitié de ma vie est un vrai calvaire.
Enfin bon, j’ai de la chance, j’ai du temps libre, des vacances pour me ressourcer, des amis qui me comprennent et m’apprécient…..je plains ceux et celles pour qui tout ne tourne pas si rond

Espoirs

La vie n’est pas si noire quand même.

J’ai quand même foi en l’avenir….La nature n’a pas été si méchante après tout, j’ai un look plutôt androgyne, voir féminin sans trop forcer. Les hormones, même si elles me posent quand même pas mal de problèmes psychologiques dus aux changements rapides ont quand même été d’une efficacité terrible
Alors quoi….
Ben alors malgré tous les problèmes, toutes les réflexions rationnelles et irrationnelles, toutes les discussions, toutes les psychothérapies…..rien n’y fait, je suis toujours autant dans le flou qu’avant, mais j’avance, à petits pas….

Violène