François Hollande (PS)
Réponses détaillées
Réponse générale
Mesdames, Messieurs,
Vous me demandez de préciser ma position sur l’ensemble de vos propositions et c’est bien volontiers que je vais répondre à cette demande.
Celles et ceux qui s'affirment dans un genre différent de celui qui leur a été reconnu à la naissance font face à de nombreuses difficultés dans leurs rapports avec les pouvoirs publics, tant en ce qui concerne la modification de leur état civil qu'en ce qui concerne l'accès à des soins de qualité, pour celles et ceux qui souhaitent suivre un parcours médical en accompagnement de leur transition.
Pour ces personnes projetées dans l’impasse par les insuffisances du droit et les défaillances du système de soins, l’Etat doit apporter des solutions.
1. Changement d’état-civil
Aujourd’hui, les personnes trans doivent suivre un parcours difficile et incertain, qui les expose à l’incompréhension de l’administration et des professionnels de santé, et qui les conduit souvent à l’exclusion sociale. En l’absence d’une loi pour répondre à ces difficultés, les décisions des tribunaux mènent beaucoup de personnes trans dans l’impasse.
La loi du 15 mars 2007, votée par les socialistes espagnols, peut être citée en exemple en ce qu’elle met fin à l'obligation de chirurgie de réassignation sexuelle pour corriger la mention du sexe dans l’état civil. Mais elle soumet encore cette correction à un diagnostic médical et à un long traitement.
Le 29 avril 2010, sur la proposition du député socialiste suisse Andreas Gross, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté la résolution 1728 (2010) qui invite les Etats-membres « à traiter la discrimination et les violations des droits de l’homme visant les personnes transgenres et, en particulier, à garantir dans la législation et la pratique les droits de ces personnes […] à des documents officiels reflétant l’identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir une stérilisation ou d’autres procédures médicales comme une opération de conversion sexuelle ou une thérapie hormonale ».
Pour répondre à cette exigence, il apparait aujourd'hui nécessaire de distinguer entre la rectification de la mention du sexe dans l’état civil, d’une part, et le parcours chirurgical qui peut accompagner une telle transition, d’autre part.
La proposition de loi déposée le 22 décembre 2011 par la députée Michèle Delaunay et le groupe socialiste formule un allègement de la procédure de rectification de l’état civil, simplifiant le parcours des personnes trans.
Ce texte constitue une contribution utile aux travaux qui seront engagés avec les associations et les professionnels pour que la procédure de rectification de l’état civil soit conforme à la recommandation 1728 (2010) citée plus haut.
J’ajoute que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, réforme que je propose de mettre en oeuvre pendant la première année de mon mandat, permettra aux personnes trans mariées de rectifier la mention du sexe dans leur état-civil sans remettre en cause leur situation matrimoniale.
2. Recours au système de santé
Nous nous donnerons du temps pour travailler avec les associations et les professionnels afin de répondre globalement à ces questions, dans le respect des principes qui fondent notre politique de santé, comme celui du libre choix du médecin. Naturellement, ces réponses n’auront pas pour effet de remettre en cause le niveau de prise en charge des soins qui sont aujourd’hui remboursés par la Sécurité sociale.
Dès mars 2006, je m’étais engagé, au nom du Parti socialiste, à ce qu’une évaluation sérieuse des pratiques médicales soit réalisée et à ce qu’une amélioration de la formation des médecins ainsi qu’une sensibilisation des équipes médicales soient mises en oeuvre. Il est nécessaire de mener des études sur les dispositifs existants et sur l’état de santé des personnes trans.
C'est encore sur la base d’expertises médicales que le juge prononce aujourd'hui la rectification de l’état civil. Le combat pour la « dépsychiatrisation » de cette question n’est donc pas seulement symbolique. Force est de constater que le décret du 8 février 2010, qui a modifié la catégorie d'affection de longue durée concernée, n’a pas eu d’effet sur la vie quotidienne des personnes trans, dont le parcours, médical et juridique, est toujours subordonné à l’avis de médecins.
Comme vous le savez, c'est le socialiste Edmond Hervé, ministre de la santé, qui a récusé en juin 1981 la classification internationale des maladies établie par l’Organisation mondiale de la santé, qui rangeait l’homosexualité parmi les maladies mentales. C’est la même trajectoire que doivent suivre désormais les droits de celles et ceux qui s’affirment dans un genre différent de celui de leur naissance.
3. Droits des personnes trans
Je veux lutter sans concession contre toutes les discriminations. Je suis favorable à la prise en compte du motif de l’identité de genre dans les textes prohibant les discriminations. Elle a été proposée en 2004 par un amendement socialiste défendu dans le cadre de la discussion des nouvelles dispositions sanctionnant les injures homophobes. Cet amendement a été rejeté par la droite. Le droit européen encourage d’ailleurs la France à condamner les actes commis à l’encontre de quelqu’un en raison de son identité de genre avec les peines qui sanctionneraient des actes commis à l’encontre de quelqu’un en raison de son sexe.
Le gouvernement renforcera la lutte contre les discriminations dans le monde professionnel et portera une attention toute particulière à la formation des équipes au contact du public, afin que les personnes trans reçoivent un accueil identique aux autres. Le rôle des syndicats, des assistantes sociales et des médecins du travail, est très important.
Le gouvernement développera une éducation au respect et agira sur les programmes scolaires afin de lutter contre les préjugés. Dès le plus jeune âge, l’éducation devra faire une place à l’apprentissage du respect d’autrui. La lutte contre les clichés peut commencer très vite.
Les pouvoirs publics chargés de la lutte contre les discriminations lutteront, en lien avec les associations, contre la transphobie comme contre toutes les formes de discriminations. Ils auront un rôle de sensibilisation, d’alerte, de conseil, d’accompagnement des victimes (y compris sur le plan judiciaire) et seront dotés des moyens permettant à tous nos concitoyens d’y avoir accès simplement, sur tous les territoires.
La France accorde le droit d’asile aux réfugiés répondant aux critères définis par la convention de Genève. Ainsi que le stipule la convention, les personnes appartenant à des groupes sociaux persécutés bénéficieront de ce droit d’asile. C’est le fait d’être exposé à un danger qui ouvre le droit d’asile à un réfugié. Ce critère peut concerner les personnes trans. Dans de trop nombreux pays, le fait de s’exprimer dans un genre différent de celui qui a été reconnu à la naissance peut en effet exposer un individu à des persécutions. Depuis 2002, les atteintes au droit d’asile se multiplient et le gouvernement actuel s’est servi de ce droit pourtant fondamental comme d’un outil de régulation de l’immigration. À mes yeux, l’amélioration du délai entre le dépôt de la demande et la décision est une priorité, car il est inhumain de laisser ces femmes et ces hommes dans l’incertitude parfois un an, dix-huit mois, voire plus. Je reviendrai sur la procédure prioritaire telle qu’elle fonctionne aujourd’hui et je veillerai à ce que chaque demandeur d’asile se voie garantir le droit à un recours effectif et suspensif.
Comme vous le savez, ces propositions ont fait l’objet d’une rencontre entre mon équipe et les associations de défense des droits des personnes trans, le 14 février dernier. L’avis des associations sera sollicité à chaque étape des réformes que j’ai évoquées.
Je vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes cordiales salutations.
François HOLLANDE
NDLR: François Hollande citant à plusieurs reprises la proposition de loi de Michèle Delaunay, nous citerons plus bas non seulement des extraits de la réponse intégrale de M. Hollande mais également des extraits de cette proposition de loi.
La proposition de Michèle Delaunay est consutable sur http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion4127.asp
1 - Arrêter l'exigence de stérilisation, de prise de traitement hormonal ou d'opérations chirurgicales préalablement au changement d'état-civil
Favorable
Le 29 avril 2010, sur la proposition du député socialiste suisse Andreas Gross, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté la résolution 1728 (2010) qui invite les Etats-membres « à traiter la discrimination et les violations des droits de l’homme visant les personnes transgenres et, en particulier, à garantir dans la législation et la pratique les droits de ces personnes […] à des documents officiels reflétant l’identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir une stérilisation ou d’autres procédures médicales comme une opération de conversion sexuelle ou une thérapie hormonale ».
Pour répondre à cette exigence, il apparait aujourd'hui nécessaire de distinguer entre la rectification de la mention du sexe dans l’état civil, d’une part, et le parcours chirurgical qui peut accompagner une telle transition, d’autre part.
La proposition de loi déposée le 22 décembre 2011 par la députée Michèle Delaunay et le groupe socialiste formule un allègement de la procédure de rectification de l’état civil, simplifiant le parcours des personnes trans.
Ce texte constitue une contribution utile aux travaux qui seront engagés avec les associations et les professionnels pour que la procédure de rectification de l’état civil soit conforme à la recommandation 1728 (2010) citée plus haut.
Extrait de la proposition de Michèle Delaunay
« Art. 99-2 .La requête en rectification de la mention du sexe est présentée par l’intéressé au président du tribunal de grande instance en présence d’au moins trois témoins capables, sans lien ni d’ascendance ni de descendance avec l’intéressé. Ils témoignent de la bonne foi du fondement de la requête.
« Le tribunal ordonne, sauf abus manifeste, la rectification de la mention du sexe. »
2 - Cesser les expertises
Favorable
Extrait de la proposition de Michèle Delaunay
« Art. 99-2 .La requête en rectification de la mention du sexe est présentée par l’intéressé au président du tribunal de grande instance en présence d’au moins trois témoins capables, sans lien ni d’ascendance ni de descendance avec l’intéressé. Ils témoignent de la bonne foi du fondement de la requête. »
3 - Reconnaître le changement d'état-civil des binationaux
Ne se prononce pas
Pas de réponse donnée
4 - Instaurer le changement d'état-civil selon une procédure administrative en mairie
Partiellement favorable
« Art. 99-2 .La requête en rectification de la mention du sexe est présentée par l’intéressé au président du tribunal de grande instance en présence d’au moins trois témoins capables, sans lien ni d’ascendance ni de descendance avec l’intéressé. Ils témoignent de la bonne foi du fondement de la requête. »
5 - Arrêter l'exigence de divorce
Partiellement favorable
l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, réforme que je propose de mettre en oeuvre pendant la première année de mon mandat, permettra aux personnes trans mariées de rectifier la mention du sexe dans leur état-civil sans remettre en cause leur situation matrimoniale.
Extrait de la proposition de Michèle Delaunay
« Le mariage préexistant doit être dissout au jour de l’introduction de la requête en rectification. »
6 - Respecter la liberté de choisir ses médecins
Favorable
Nous nous donnerons du temps pour travailler avec les associations et les professionnels afin de répondre globalement à ces questions, dans le respect des principes qui fondent notre politique de santé, comme celui du libre choix du médecin.
7 - Se désolidariser des critères discriminatoires actuellement utilisés par certains médecins
Ne se prononce pas
Pas de réponse donnée
8 - Respecter le droit à l'autodétermination
Ne se prononce pas
Pas de réponse donnée
9 - Retirer le 'transsexualisme' de la classification en trouble mental
Favorable
Comme vous le savez, c'est le socialiste Edmond Hervé, ministre de la santé, qui a récusé en juin 1981 la classification internationale des maladies établie par l’Organisation mondiale de la santé, qui rangeait l’homosexualité parmi les maladies mentales. C’est la même trajectoire que doivent suivre désormais les droits de celles et ceux qui s’affirment dans un genre différent de celui de leur naissance.
10 - Maintenir les remboursements
Favorable
Naturellement, ces réponses n’auront pas pour effet de remettre en cause le niveau de prise en charge des soins qui sont aujourd’hui remboursés par la Sécurité sociale.
11 - Rembourser les opérations effectuées hors de l'Union Européenne
Ne se prononce pas
Pas de réponse donnée
12 - Mettre en place des études sur la santé des trans
Favorable
Il est nécessaire de mener des études sur les dispositifs existants et sur l’état de santé des personnes trans.
13 - Permettre le recours à la conservation des gamètes
Ne se prononce pas
Pas de réponse donnée
14 - Ajouter l'identité de genre à la liste des 18 motifs de discriminations interdits par la loi
Favorable
Je veux lutter sans concession contre toutes les discriminations. Je suis favorable à la prise en compte du motif de l’identité de genre dans les textes prohibant les discriminations. Elle a été proposée en 2004 par un amendement socialiste défendu dans le cadre de la discussion des nouvelles dispositions sanctionnant les injures homophobes. Cet amendement a été rejeté par la droite. Le droit européen encourage d’ailleurs la France à condamner les actes commis à l’encontre de quelqu’un en raison de son identité de genre avec les peines qui sanctionneraient des actes commis à l’encontre de quelqu’un en raison de son sexe.
15 - Former les fonctionnaires à l'accueil de publics trans
Favorable
Le gouvernement renforcera la lutte contre les discriminations dans le monde professionnel et portera une attention toute particulière à la formation des équipes au contact du public, afin que les personnes trans reçoivent un accueil identique aux autres. Le rôle des syndicats, des assistantes sociales et des médecins du travail, est très important.
16 - Eduquer les plus jeunes au respect des différences
Favorable
Le gouvernement développera une éducation au respect et agira sur les programmes scolaires afin de lutter contre les préjugés. Dès le plus jeune âge, l’éducation devra faire une place à l’apprentissage du respect d’autrui. La lutte contre les clichés peut commencer très vite.
17 - Aménager les conditions de détention des personnes trans
Ne se prononce pas
Pas de réponse donnée
18 - Mettre en place une politique publique de lutte contre la transphobie
Favorable
Les pouvoirs publics chargés de la lutte contre les discriminations lutteront, en lien avec les associations, contre la transphobie comme contre toutes les formes de discriminations. Ils auront un rôle de sensibilisation, d’alerte, de conseil, d’accompagnement des victimes (y compris sur le plan judiciaire) et seront dotés des moyens permettant à tous nos concitoyens d’y avoir accès simplement, sur tous les territoires.
19 - Respecter le droit d'asile des personnes trans
Favorable
La France accorde le droit d’asile aux réfugiés répondant aux critères définis par la convention de Genève. Ainsi que le stipule la convention, les personnes appartenant à des groupes sociaux persécutés bénéficieront de ce droit d’asile. C’est le fait d’être exposé à un danger qui ouvre le droit d’asile à un réfugié. Ce critère peut concerner les personnes trans. Dans de trop nombreux pays, le fait de s’exprimer dans un genre différent de celui qui a été reconnu à la naissance peut en effet exposer un individu à des persécutions. Depuis 2002, les atteintes au droit d’asile se multiplient et le gouvernement actuel s’est servi de ce droit pourtant fondamental comme d’un outil de régulation de l’immigration. À mes yeux, l’amélioration du délai entre le dépôt de la demande et la décision est une priorité, car il est inhumain de laisser ces femmes et ces hommes dans l’incertitude parfois un an, dix-huit mois, voire plus. Je reviendrai sur la procédure prioritaire telle qu’elle fonctionne aujourd’hui et je veillerai à ce que chaque demandeur d’asile se voie garantir le droit à un recours effectif et suspensif.
20 - Appliquer les recommandations du Conseil de l'Europe
Ne se prononce pas
Pas de réponse donnée